UZERCHE

Toutes mes sources sont en Corrèze et je suis fière d'être Corrèzienne.

Mon coeur est partagé entre Uzerche et Vigeois, et à ce titre je désire communiquer mon amour pour cette si belle région.

JOURNAUX SCOLAIRES (1968-1969)

TRANCHES DE VIE "NOVEMBRE 1968" C.E.G. UZERCHE 5° II a

TRANCHES DE VIE "DECEMBRE 1968" C.E.G. UZERCHE 5° II a

TRANCHES DE VIE "AVRIL 1969" C.E.G. UZERCHE 5° II a

Lorsque l'on se penche que sa propre histoire et ses origines, il est parfois dur de remonter dans le temps. Heureusement il y a des historiens qui font du très bon travail et à ce titre je leur rends hommage.

De toutes mes lectures sur le Limousin et Uzerche, je n'ai jamais trouvé de livres qui égalent les livres des Editions LEMOUZI.

La maison où j'ai grandi date de 1760 et à toujours appartenue à la famille.

Extrait choisis dans HISTOIRE D'UZERCHE ET DU PAYS D'UZERCHE - Tome I de Louis Bournazel - Edition LEMOUZI - Tulle 1984.

"Xavier Laporte, dont la tannerie, établie vers 1753, est la première que nous voyons créée depuis le 16° siècle," .

" le nommé Xavier La Porte, marchand tanneur de la ville d'Uzerche," .


LA TANNERIE

Bonjour, je vais vous raconter mon histoire.

Je suis née il y a bien longtemps, en 1760 pour être plus précis et maintenant je suis classée monument historique. Pendant très longtemps, j’ai été coquette mais comme toute chose sur cette terre, j’ai vieilli et je me suis ridée. Ma carapace a commencé à se craqueler, ma toiture a perdu de son éclat, ma façade est devenue grise à cause des automobiles et du progrès.

À mon époque, je faisais partie d’un ensemble, j’étais une tannerie mais la guerre m’a fait beaucoup de mal et j’ai perdu de ma grandeur, mes bacs ont été remplis de terre et j’ai servi de jardin, la rivière (la Vézère) qui me traversait a été domptée par les humains et ils ont construit une digue. Une partie de ma propriété est devenue une laverie presque industrielle, une autre a été loué en jardin " légumier ", un de mes bâtiments a été modifié en appartement et j’ai commencé à voir du monde défiler, ne pas prendre soins de mes murs, de ma terre, ils m’ont même recouvert de goudron et graviers sous lesquels j’étouffe car malgré tout, c’était encore moi qui vivais entière. De moi entière, il ne reste plus que des parcelles différentes appartenant à des personnes différentes, et moi, du moins ce qu’il en reste est à vendre. Il ne vient à personne l’idée de me reconstituer, de me rendre mon identité.

La ville où j’ai vu le jour est devenue une ville où la taxe locale est pesante pour ceux qui sont propriétaire. Ma dernière maîtresse n’ayant plus les moyens de s’occuper de moi est obligée de me vendre. À qui vais-je maintenant appartenir. J’ai peur car j’ai toujours suivi la même famille. Les derniers enfants que j’ai vus chez moi ne savent même pas tous les souvenirs que j’aie, je n’ai pas pu leur parler, leur raconter leurs ancêtres, j’écoutais. Je suis leur mémoire muette, leur histoire, leur passé. J’ai connu des années de grande bourgeoisie, de famine, de guerre, de prospérité. Je sais que je ne disparaîtrais pas dans un futur immédiat car je suis un témoin du passé. Mes murs sont faits de torchis et malgré les années, ils tiennent toujours. J’ai fait face à des bourrasques, à la grêle, au gel, mais je suis forte. Je suis toujours là, mais pour combien de temps.

Extérieurement, personne n’a le droit de me modifier, mais intérieurement c’est différent. Des gens ont cassé mes cloisons, en ont construit d’autres. Mon concepteur ne me reconnaîtrait pas. Certaines pièces ont grandi d’autres se sont partagées. Des tuyaux, des fils me parcourent pour apporter un certain confort. Mes cheminées ne fonctionnent plus. Je ne suis plus moi. Je ne suis plus qu’une façade triste. J’ai d’autres amies dans la ville qui sont désertées elles aussi. Des promoteurs ont trouvé d’autres terrains et ont construit ce qu’ils appellent une ville nouvelle. Là, il n’y a presque que des sosies, des clones, elles n’ont pas de personnalité, ou si peu. Elles sont belles, neuves mais tristes et froides au regard. Elles n’ont pas de passé et si peu d’avenir car elles ont des milliers sur cette terre et un jour elles seront détruites, une seule restera pour servir à son tour de témoin de son temps, mais qui sera-t-elle ? Résistera –t-elle à toutes les intempéries, les nouveaux matériaux sont bien mais sont-ils aussi fiables avec le temps. Je les ai vues naître et je les verrais certainement disparaître pour en voir d’autres, plus élevés en immeuble s’ériger, là sur leurs ruines. Dans 100 ans peut-être pourrais-je encore vous écrire pour vous raconter tout cela.

Maintenant, je voudrais être un musée, mais peut-être une autre que moi sera choisie, mes amies et moi-même sommes pour l’instant presque une ville morte et j’ai froid d’être vide.

J’ai vécu des naissances, des morts. J’ai entendu des rires, des pleurs. Je ne veux pas mourir. Je veux encore voir du monde fouler mon sol, descendre mes escaliers, caresser mes murs, m’habiller de papiers fleuris. Je veux encore entendre ces rires d’enfants, contents d’avoir fait des blagues à tout le monde. Je veux encore sentir ses odeurs de bonne cuisine, d’encaustique et de parfum de fleurs ramenées du jardin. Je veux encore voir le soleil entrer par mes fenêtres les jours d’été et caresser ma muraille intérieure, je veux entendre encore ses musiques si différentes diffusées par ses appareils qui furent appelés phonographe, puis électrophone puis chaîne. Je veux et désire une nouvelle âme qui viendra me donner d’autres souvenirs. Ne me laissez pas vieillir seule et vide.

Je veux encore vivre des Noëls pleins d’allégresse et de chaleurs, voir des enfants étonnés de recevoir les cadeaux demandés par lettres.

Venez me voir, venez fouler mon sol. Oh, si je pouvais raconter ma vie, mais en aurais-je vraiment le courage et les mots pour vous enchanter et faire que vous m’aimiez à votre tour.

Cosette