Cosette

HOMMAGE À JEAN BAPTISTE

PRESENTATION

 

Par un beau matin d'août 1973, un de ces tous derniers jours, deux amis musiciens, Laurent le bassiste, Alain le guitariste ainsi que mon frère Vincent sont venu me réveiller. Surprise et heureuse de leur arrivée, je me suis levée et faite belle pour les suivre au Pouget, où, comme à Pâques, ils jouent et apprennent à mieux se connaître grâce à la musique.

Pendant que je m'habillais, ma mère nous a fait un bon petit-déjeuner, Vincent a mis sur la platine de très vieux disques de Jazz. Vieux 78 tours, en ardoise, qui sont de vrais bijoux et qui me seront très utiles par la suite mais je n'en saurais rien sur le moment. Quand je fus fin prête, nous partîmes et commençâmes une folle course de voitures comme il y en aura d'autres. Évidemment, je gagnais haut la main avec mon R8 Gordini contre la 4L 3 vitesses de Laurent.

Le Pouget sera toujours le même et comme à Pâques, il y aura toujours les mêmes gens : mon cousin Pablo au banjo, Bebert le guitariste un peu fou, Pierrot à la batterie sans oublier Laurent et Alain.

Après avoir garé les voitures, nous prîmes encore un autre café. C'est en rentrant dans la première pièce où il y a les lits que je vis une tête encore endormie apparaître de dessous un duvet, une jolie tête blonde frisée, aux yeux bleu vert et que je ne connaissais pas.

Qui est-ce ? il n'était pourtant pas là à Pâques, du moins, pas que je m'en souvienne. Et oui, c'était un nouveau copain de Pablo qu'il avait rencontré à l'Ecole de Percussion de Strasbourg. Il était grand et portait des lunettes rondes à montures couleur or qui donnaient à son regard encore plus de mystère. Je le trouvais apparemment très beau et j'eus envie de sortir avec lui.

Je me présentais. Lui il s'appelait Jean-Baptiste.

Pour mieux nous réveiller tous et surtout bien commencer cette journée ensoleillée, nous allâmes jeter une tête dans l'eau.

Vigeois, la petite ville dont dépend le Pouget ayant en la bonne idée d'aménager un superbe plan d'eau pour les nombreux vacanciers qui viennent visiter la Corrèze et qui désirent faire une halte agréable.

Le soleil étant très chaud, nous fûmes heureux et un peu fou. L'eau nous ayant recouvert d'une agréable sensation, nous avons eu envie de lézarder un peu. N'ayant pas de serviette, Jean-Baptiste vint se mettre à côte de moi en m'ayant demandé préalablement la permission. Bien sûr, je n'ai pas eu envie de lui refuser.

Nous parlâmes tous de chose et d'autres et tout cela finit sur le Jazz.

Sacré Jazz, ta musique ne disparaîtra jamais et servira toujours de référence.

Et oui, les disques. Tout le monde voulait les écouter et surtout Jean-Baptiste. Après deux heures passée sur la plage, nous repartîmes au Pouget car il fallait manger. L'eau et la baignade nous ayant ouvert l'appétit. J'aidais ma cousine Chloé à mettre un peu d'ordre dans la maison pendant qu'ils jouaient dans la pièce d'à côté.

Je dois dire que mon oncle avait acheté une vielle ferme et l'avait entièrement retapée. Nous étions dans une ancienne grange aménagée. Les instruments avaient étés installé dans ce qui servait généralement de grand garage. Il y avait beaucoup de place. Le sol avait été cimenté et de chaque coté de la largeur nous pouvions ouvrir les portes et les voir jouer tout en étant assise dans l'herbe.

Ma mère n'étant pas avertie et comme il se faisait tard, je redescendrais chez moi en leur promettant de revenir le lendemain, de bonne heure avec des croissants et mon sac.

Chose promise, chose due. Le lendemain j'allais les voir vers neufs heures. Je les sortais même du lit. Pour nous rafraîchir du soleil et bien entamer la journée nous sommes allés comme la veille, plonger à l'étang, nous ferons ce geste aussi souvent que notre envie se fera, des fois, ce sera trois à quatre fois dans la journée. Les journées seront organisées banalement. Comme nous n'avons que deux véhicules, à tour de rôle un des garçons viendra avec moi faire les courses pendant que les autres mettront un peu d'ordre dans la maison après la baignade.

Après avoir mangé, certains iront se promener, d'autres lirons où ferons la sieste, mais musique imposée de trois à cinq heures car il fallait préparer le festival de Veix.

C'était important et drôle en même temps. Ce festival n'avait pas une grande importance sur la France mais pour un département comme la Corrèze, c'était l'occasion pour des jeunes de se faire connaître et surtout de partager pendant une journée le même plaisir de faire de la musique, de s'éclater ensemble sainement.

Ensuite, un autre tour à la baignade, il ne devait plus rester trop de monde vers dix-sept heures et c'était un moment très agréable. L'eau était chaude et le soleil se faisait moins brûlant. Puis nous remangerons et ensuite la musique. Après c'était suivant l'heure, et les improvisations

Donc ce soir-là, le premier en leur compagnie, après le repas, ils jouèrent pour me faire plaisir et me montrèrent ce qu'ils allaient faire le jour du Festival. Cela dura longtemps et se finit tard. Comme il faisait bon et que personne n'avait envie de dormir, tout le monde décida d'aller se promener dans la nuit. Les autres allèrent devant et j'allais au côté de Jean Baptise. Au bout d'un moment, nous nous arrêtâmes dans un pré et nous discutâmes en fumant une cigarette.

Jean-Baptiste me parla de Jazz. Comment il était arrivé à jouer du saxo. Pourquoi il avait choisi cet instrument avec qui il partageait ses pensées et je m'intéressais à tout ce qu'il pouvait me raconter. Je buvais toutes ses paroles. Je parlais un peu de moi mais pas beaucoup. Nous laissions des silences pour laisser parler les chouettes et les grillons.

La nuit grouillait de sons sortant de tous côtes à la fois. C'était le concert de la nature.

Au bout d'un moment, il fût temps de revenir sur nos pas pour rejoindre les autres car il faut également penser un peu à dormir. Sur la route éclairée par la lune nous fîmes un peu les fous et j'eus très peur lorsqu'une vache se fît entendre. Jean-Baptiste m'attrapa par le cou et me serra très fort contre lui tout en marchant et parlant de tous ce que nous aimions. Puis nous fîmes deux ou trois passes de rock sur une musique entendue de nous seuls.

Tout cela nous aura ramené à la maison. Lui qui était un inconnu pour moi la veille était devenu maintenant un grand ami.

Il avait été décidé que je dormirais dans la seule pièce où il y avait un lit de libre. Cette pièce était la même que celle où dormait Laurent et Jean-Baptiste. iy avait trois lits. Mon lit attenait à celui de Jean-Baptiste, tête contre tête, en formant un L . Je le touchais presque.

Tous les trois nous avons parlé au moins pendant encore une heure, de drogue, d'alcool, d'étude et de musique. Puis nous avons éteint la lumière. Il ne resta plus que le silence troublé par le bruit des duvets, de la pluie et d'un chien qui hurla à la mort toute la nuit. Je n'arrivais pas à dormir car j'avais encore envie de parler avec mon saxo. Lui aussi d'ailleurs. Nous étions attiré l'un vers l'autre comme des aimants.

Alors que la lune de sa lumière remplissait la chambre, que Laurent ronflait, il ne demanda si je dormais. Bien sûr que non, alors j'ai senti sa main venir à la rencontre de la mienne. Ce fut le calme et la quiétude. Je m'étirais comme je le faisais cette après-midi sur la plage, et la grande nuit continuait son avance feutrée. Pour une fois, il n'avait pas de vent, juste le bruit vivant de la pluie sur la vitre. Nous ne parlions que doucement et lentement car les mots trop bruts auraient fait fuir cette nuit de velours.

Nous restâmes un long moment sans bouger, respirant sans bruit, tous les deux sur le même rythme. Quelquefois, nous allumâmes une cigarette et nous la fumions en nous regardant à la lumière étouffée. Une fois seulement j'en allumais une et la tendais à Jean-Baptiste qui la prit, la porta à sa bouche sans détourner sa tête de moi. Alors, il me regarda et il ne vit seulement qu'un dessin épuré de mon visage et l'ombre de mes longs cheveux. Il y eu encore une longue bouffée de nuit, et de silence. Puis il se leva pour aller faire un tour dehors puis quand il revient, il s'installa à côté de moi. Puis dans un lent mouvement, il vient à la rencontre de mon visage. Nous restâmes face à face, lèvres contre lèvres, quelques fractions de temps et nous nous embrassâmes.

Nos mains mélangées se caressant et se cherchant. Et toute la nuit pour nous seuls . une, forme d'éternité Puis la réalité revenue, j'eus un geste pour écarter une mèche de son front. Le temps avait passé vite et le jour commençait à se faire sentir. Alors, il retourna dans son lit et me laissa dans la chaleur de mon duvet. Nous fumâmes une dernière cigarette à deux en rigolant et rougissant d'avant oublié la présence de Laurent qui ronflait de plus belle. Puis nous nous endormirent main dans la main.

Cette nuit sera le début de quelque chose de merveilleux et féerique qui ne durera malheureusement que quinze jours ou trois semaines.

Personne ne s'est aperçu de rien, ce fût notre secret. Personne ne devait le savoir.

Durant toute la journée, il plut, nous en profitantes pour aller chez moi écouter les disques et jouer du piano. Avant manger, nous nous regardâmes dans les yeux en nous posant la même question, nous nous comprenions et malgré la pluie, nous partîmes nous promener.

Pour nous protéger de la pluie qui apparaîtra de temps en temps, nous irons dans les bois. Heureux de ce qui nous arrive. Nous marchâmes, main dans la main en nous arrêtant de temps en temps pour nous embrasser longuement et tendrement. Nous essayâmes malgré les habits de redécouvrir nos corps. Sur le chemin du retour, il me raconta une histoire toute mignonne comme je les aime bien.

Toutes les journées que je resterais avec eux seront différentes les unes des autres. Je resterais pour Jean-Baptiste. Il y aura le festival de Veix, mon anniversaire et tant d'autres jours heureux et beaux grâce à lui. Lui seul et son saxo. Lui qui me manque beaucoup et à qui je pense si souvent. Lui et tous les souvenirs qu'il a amené avec lui, là-bas à Strasbourg mais qu'il ne rendra jamais. Il a dit qu'il reviendrait, je l'ai cru mais il est trop tard. Mais j'attendrais toujours. Il me l'a promis et moi aussi.

Il a su me charmer avec son saxo, et y a su m'apporter tant de choses que je garde soigneusement et auxquelles s'ajoutent tous mes rêves en sa présence.

Tout ce que je recopie en ce moment, je l'ai écrit à Avranches en Normandie en 1985. Je n'arrivais pas à oublier Jean-Baptiste que je venais de quitter.

REVERIES

Aujourd'hui, il pleut et cela me rend triste et nostalgique. Je n'ai envie de rien faire et je ne peux rien faire. Je prends juste la plume pour écrire mais c'est tout. Le stylo marche tout seul. Mes yeux ont envie de dormir, mais je ne le désire pas, alors je m'oblige à rester réveillée. Neuf heures, voilà deux heures que je suis levée et que j'écris où que je regarde la carte de France en rêvant.

Si j'allai à Strasbourg, par exemple, pour rencontrer mon ami Jean-Baptiste et qu'il ne travaille pas. Je me renseignerai où il le trouvait. Quand ce sera chose faite, je le rejoindrai vite fait et lui ferai la surprise. Je le trouverai seul, assi à une table, dans un café, écoutant un bon vieux disque de Jazz. Je ne dirai rien tant que la musique ne sera pas arrêtée mais je me mettrai à côté de lui, lui tendrai une cigarette allumée, lui prendrai la main et attendrai .

Quand le calme sera revenu, il m'embrassera très fort et me montrera sa joie. Je boirai quelque chose avec lui et nous partirons nous promener dans la neige sur les chemins de terre.

Nous reparlerons des vacances au Pouget, de ce que nous avons fait entre temps. Puis nous arriverions devant un petit chalet qu'il aura loué ou acheté, peu importent. Il allumera un grand feu, prendra son saxo, jouera et j'écouterai. Il me dira que je lui ai manqué mais que maintenant la fête va pouvoir recommencer. Il ira mettre une bande de Jazz, viendra s'allonger sur la banquette où je serai assise, posera sa tête entre mes jambes et mon ventre. Nous écouterons, comme nous le faisions au Pouget. D'ailleurs, le cadre sera presque le même. Le feu, la musique, cette longue banquette recouverte de coussin et nous deux. Il me donnera ses lunettes que je poserai sur une petite table à côté de moi. Nous resterons là, seuls, dans une petite maison avec le feu, la musique et toute une éternité devant nous Toute la nuit et même des jours entiers à rester seuls. À vivre baignés dans le bonheur.

Cela durera combien de temps. Très longtemps. J'aurais trouvé du travail là-bas. Lui aussi. J'apprendrai à jouer d'un instrument et nous jouerons ensemble, le soir auprès du feu en attendant que l'hiver s'en aille.

Si tout cela se réalise, j'en serais heureuse, mais je sais que cela ne se peut pas. Enfin, je le pense mais des fois il y a des choses qui arrivent, on se demande comment cela est possible.

De rêver comme cela, j'ai envie de partir, partir sur les routes, en voiture, en stop, en train, peu importe la manière, mais partir rejoindre les gens que j'aime.

Ce qui m'amuse, c'est de voir que je change depuis quelque temps, je change et je m'en rends compte. Mais les gens qui m'entourent qu'en pensent-ils ? Rien, ils ne s'occupent ; que de leur petite personne et ils ont raison car je ne m'occupe pas d'eux. Cela ne sert à rien.

Au fait, qu'est-ce que je fais ici, dans cette ville où je ne connais que trois personnes. Je m'ennuie, mais je rêve. Tout le temps, j'imagine ou je repense à des jours qui sont pour moi gravés dans mon cœur et dans ma tête. Personne ne me les volera. C'est mon trésor et personne ne le connaît.

Tiens, voilà un oiseau qui frappe à ma fenêtre, il veut rentrer. C'est drôle, je m'approche, il ne dit rien, il se laisse toucher, caresser. C'est une tourterelle blanche avec un anneau noir au cou.

Que me dit-elle ? Devinez un peu. Elle me chante que dans une ville, un garçon m'attend. Qu'il chante son vouloir dans son saxo et qu'en passant près de lui, elle a pris note du message et qu'elle me l'amène. Je dois partir maintenant, je le sais, elle me montrera le chemin. Ses petites ailes sont fatiguées, et elle a soif. Je la prie d'entrer, mais sans faire trop de bruit car les gens sont un peu fous ici.

Je lui donne de l'eau, des miettes de pain et la laisse dormir pendant que je fais mes bagages. Ils ne sont pas longs.

Comme ma nouvelle petite amie dort à poings fermés, j'en profite pour aller chercher des sous et mettre de l'essence dans ma voiture. Je règle ce que je dois et sans la réveiller, je la mets dans une corbeille achetée pour elle.

Et me voilà de nouveau sur les routes avec un but précis. Mais je ne sais pas la route que je dois prendre mais je vais tout droit devant moi, je fais attention à ne pas passer trop vite sur les bosses pour ne pas faire se heurter la charmante colombe.

Je suis heureuse. Je vais enfin rejoindre la personne qui m'est la plus chère au monde. Je le sens plus proche de moi. Mon cœur bas vite, je ne peux le calmer. Tiens, un auto-stoppeur. Je le prends car je suis heureuse. Mais, cette tête, ce corps, mais je le connais ? cette chemise, ce veston.

Jean-Baptiste, mais que fais-tu là, monte, je te présente une amie.

Nous embrassons et je lui montre la corbeille. Personne . La colombe a disparu et à la place, il y a deux anneaux.

Nous montons dans la voiture et partons à l'aventure. Tous les deux, enfin réunis pour une nouvelle fête qui durera très, très longtemps.

Une alarme de voiture. Oh non, vraiment la réalité est trop brute. Voilà une heure que je rêve sans avoir fait quelque chose de valable.

Il ne pleut presque plus mais le ciel est quand même gris. Je repense à ce beau couché de soleil, un certain soir.

VIGEOIS

Le ciel était rouge, violet, jaune, orange. C'était vraiment beau et chaud comme ce n'est pas souvent le cas. Ce soir-là, Jean-Baptiste a pris son saxo et a joué pendant très longtemps. Le souffle ne lui manquait pas et il jouait pour montrer son bonheur et j'essayais de montrer le mien. Tout cela était si beau que même un sauvage aurait aimé. C'était le plus beau coucher de soleil du mois de Septembre comme on n'en voit pas souvent. Ils se font rares, mais beaux et enchanteurs.

REALITE

J'ai envie de me lever, de descendre dans le café et de boire quelque chose de chaud, mais je suis bien dans mon duvet en train d'écrire. Je n'ai pas envie de bouger et pourtant il le faudrait sinon je vais devenir une limace. Je ne savais plus comment me traîner jusqu'à mon véhicule. Plus que demain et après-demain à rester ici à ne rien faire. Ça passe le temps mais ce n'est pas l'idéal.

Rien de plus chaud et bon qu'un bon chocolat bouillant en fumant une cigarette. Ça aide à digérer ce temps pourri et affreux, où l'on ne voit que des gens tristes, en imperméables tristes, ternes, parapluies en main. Ce n'est pas gai. Il faudrait pouvoir faire comme les oiseaux migrateurs. Suivre le soleil mais ce n'est pas permis à tout le monde. Pour cela, il faut des sous, ce qui demande du travail.

Mais pourquoi l'argent existe-t-il ? Il est pénible à gagner. S'il n'y en avait pas, ce serait beaucoup plus marrant mais à quoi occuperait-on les gens ? À jouer aux cartes ? À boire ? Je ne crois pas que ce serait une bonne solution. Il faudrait le supprimer, tout en demandant aux gens des services. Nous n'avons qu'une vie et c'est rare que l'on en profite bien. Quand on est jeune, l'on pourrait, mais c'est interdit de faire ceci, de faire cela. Quand on est libre de ce point de vue, il faut alors travailler. Quoi, jamais le temps de rien faire si l'on travaille et trop de temps si l'on ne fait rien comme moi. Il y a tellement de choses à faire que le début ne veut pas se montrer et pour cause, il n'y en a pratiquement jamais. Le début, c'est nous qui le cherchons.

Il y a eu un temps où j'étais tellement timide que je cherchais à me cacher tout en rigolant, et sortant avec des copains. Ce remède, je l'avais trouvé. L'alcool, mais à quoi était-il bon au juste ? À rien, il rend les gens méchants et les filles toutes folles prêtent à se donner à n'importe qui. Je ne parle pas de moi car ça me rend méchante alors je ne me saoule pas, et ça me rend gaie. Juste ce qu'il faut pour rigoler et cacher la timidité qui a force fini par fuir un peu mais il en reste toujours un peu.

VIGEOIS

C'était un vendredi soir, Jean-Baptiste n'allait pas tarder à partir et je voulais quand même fêtais mon anniversaire . 20 ans déjà.

J'allais chez moi et faisait un grand gâteau et je préparais tout ce qu'il fallait pour faire une sangria. Quand tout fut préparé, je revenais au Pouget avec tout mon attirail et je commençais, plutôt je terminais ce qui était commencé. Le soir, vers six heures, je revenais à Uzerche, mais je m'ennuyais. Je voulais rester avec mon saxo. Je refaisais aussitôt demi-tour. Je les retrouvais tous à Vigeois, dans un café, buvant comme des trous. Je me mettais avec eux et pour finir la soirée nous sommes tous redescendus chez moi où la soirée s'est pratiquement finie pour certains.

Ce soir-là, aura été le plus bel anniversaire de ma vie. J'étais heureuse grâce à Jean-Baptiste. Il me comprenait et savait me faire plaisir.

Comme la sangria en avait mis certains dans un état "comateux" nous sommes restés couchés à la maison. Bebert dans la salle à manger, Pablo dans le petit lit et Jean-Baptiste et moi dans le grand lit. Pour nous réchauffer, nous nous sommes blottis l'un contre l'autre. Nous étions heureux et échauffons par l'alcool. Encore une longue nuit. Jamais je n'oublierais ses lèvres, son visage, son corps. Pendant 15 Jours, j'étais tout le temps avec lui. Dommage que Strasbourg soit si loin de chez moi, sinon, je crois que nous verrions souvent, comme dans mes rêves et pendant les vacances.

REALITE

Une table, un paquet de gitane, une boîte d'allumettes, une tasse vide et une plume, qui glisse comme une lame de patin sur la glace au son d'une musique.

La patinoire, mes patins, j'ai laissé tout ça à Uzerche, dans un coin et j'ai envie d'en faire. Mais ici, il n'y a rien. Mes copains travaillent, moi j'attends sagement que le temps passe (une mise à pied oblige).

Je le perds d'ailleurs à ne rien faire et je m'ennuie mais quand il n'y a rien d'autre à faire. Il faut bien se décider à en venir là, car dormir, ce n'est pas une vie. Ça ne mène à rien et c'est monotone. Ça fait vieillir trop vite. Après trop de sommeil, la fatigue des muscles se fait sentir car ils sont mous et au moindre effort, c'est la mort. L'épuisement le plus total auquel il faut trouver un remède pressent.

De temps en temps, je regarde dehors, mais il n'y a rien de beau. La pluie froide et épaisse des jours de froid d'automne et d'hiver. C'est drôle car le froid ne dure beaucoup plus longtemps que les jours de grandes chaleurs.

Tiens, un facteur qui passe, Peut-être que chez moi, là-bas, à 500 kilomètres, j'ai reçu des lettres, des messages, je n'en sais rien, pourtant je le voudrais tant. Au moins pour que je sache que mes copains ne m'ont pas laissé tombé, qu'ils m'ont accepté non pas à cause de ma voiture mais pour mon amitié. Question que je me pose mais dont je n'aurais jamais de réponse, malheureusement.

Que diriez-vous de vous réchauffer quelques instants près d'un bon feu de bois en fumant un ou buvant un bon verre d'alcool.

Rien de plus agréable que de sentir cette bonne odeur de bois qui brûle, le bruit du crépitement, la couleur des flammes, cette chaleur qui s'en dégage et qui parcourt le corps comme un long frisson, une tendre caresse et là vue servira à contenter le cinquième sens. Car pour être heureux, et avoir une sensation de bien être, il faut que nos cinq sens en profitent, sinon, vous passez à côté d'un plaisir complet.

Regardez faire les gens qui boivent des apéritifs, ils voient leur liquide, ils le sentent, ils le touchent (le verre mais la boisson est dedans), ils le goûtent mais l'oreille, que fait-elle, il faut qu'elle en profite aussi. Alors les verres se tendent les uns vers les autres, les verres trinquent et tout le monde est satisfait. Le verre peut se vider enfin. Le corps tout entier a eu sa part de bonheur en cinq minutes. L'aviez-vous déjà remarqué ? Non . Maintenant vous pouvez regarder les gens autour de vous et comparer. Pour bien d'autres cas, c'est comme cela, Cherchez et vous trouverez, les bonbons, les cigarettes, l'amour, etc. ...

Mais revenons à notre feu de bois qui brûle pendant que nous parlons. Il est le bienvenu à n'importe quel moment. Tout le monde l'aime car il est naturel, il est chaud, il sait mettre un réconfort chez les personnes qui sont a coté, qui en profitent.

Pourquoi l'été, beaucoup de gens font des feux de bois, s'assoient tout autour comme devant un dieu, chantent, rigolent, enfin, passent de bonnes soirées. Il est toujours présent et tout le monde en est content. Sauf évidemment quand il passe devant le juge "eau " car il a fait trop de regret.

VIGEOIS

Presque tous les soirs, nous faisions un feu dehors pour faire des brochettes ou des grillades, mais après il était notre ami jusqu'à son dernier soupir du soir car il fallait bien en arriver là malheureusement.

Nous restions assis autour, nous parlions, Bebert et Chloé d'un côte Jean-Baptiste et moi de l'autre, les autres qui restaient discutaient sans s'occuper de nous. Nous parlions musique, drogue et autre. Nous aimions ça et si la soirée leur plaisait, beaucoup se mettaient à leurs instruments et jouaient des fois jusqu'à deux heures du matin. Mais évidemment le lendemain, il y avait les reproches des voisins que l'on avait empêchés, plus ou moins de dormir . mais ça n'y faisait rien. Ce sont les vacances et il faut en profiter quand même avec ou sans les voisins. C'était le même problème, le même sac. Mais comme c'était rare que les soirées se terminent comme cela, trois à quatre, fois par semaine, cela allait.

De toute manière, c'était comme cela et pas autrement et tout recommencera à Pâques et les autres grandes vacances. De quoi se plaignaient-ils. Ils ne payent pas et profitent chaque soir d'un concert unique. Et pour ceux qui n'aiment pas la musique, les pharmaciens ont de très bonnes boules Quies à mettre dans les oreilles. Vous êtes de mon avis. Merci .

Surtout quand tout cela se passe à la campagne, il faut bien sortir un peu les paysans de leurs traites de bêtes, des tracteurs et des engueulades des femmes.

Ils ne faisaient pas trop de bruits la nuit, on les entendait jouer à 9 kilomètres à la ronde. C'était pas mal. Ça fait des oreilles qui écoutent. Après on comprend plus facilement pourquoi il n'y avait pas beaucoup de peuple au festival. Presque tout le monde connaissait la musique qu'ils allaient jouer. Par jour, je ne sais combien de fois, je l'entendis mais je l'écoutais, je disais ce qu'il n'allait pas, mais je ne m'en lassais pas. Au contraire, j'aurais aimé que cela dure beaucoup plus longtemps.

Mais comme toute chose à une fin, qu'elle soit belle comme laide, cela n'empêche pas le recommencement. Il revenait souvent si cela réussissait. C'est bien très bien. Et hop. Remettez-moi pour trois mois de bonheur si c'est possible. Je vous en remercierais toute ma vie.

Nous avons bien dormi cette nuit. La tente n'a pas trop laissée passer le froid. Il a fait bon. Je regarde ma montre. Huit heures seulement. Mais comment se fait-il que Bebert joue de la guitare de si bonne heure. C'est bien la première fois qu'il est réveillé si tôt. Avec Jean-Baptiste, nous n'en revenons pas. Qu'est-il arrivé. Il joue la sérénade. Cela nous fait rire.

Nous ouvrons un peu la tente pour le regarder faire. Il est assis devant la porte d'entrée, sur une chaise et gratte sur sa guitare, il chante et rigole . et pourtant il est triste car Chloé est partie depuis deux ou trois jours. Mais bientôt il va aller la rejoindre à Paris. Il la reverra quand il voudra. Mais pour moi ce sera autre chose, je me retrouverais seule avec mes souvenirs comme en ce moment et j'écrirais de longues lettres pleines de bêtises. J'écrirais à en avoir des crampes dans les doigts. Mais qu'importe, quelle importance car je n'ai rien d'autre de précises à faire.

REVERIES

Rien de précis, alors je laisse courir le temps et la plume le long du papier. C'est plus simple et plus rapide. Mes vacances étant presque finies, je commençais à avoir le cafard. Le dernier soir a été le plus dur. Savoir que c'était le dernier soir passé en sa compagnie, ça me faisait mal au cœur. Mais je ne pouvais rien contre ça. Absolument rien. Alors il fallait passer cette soirée comme les autres. Faites comme si de rien n'était, mais c'était dur.

J'avais envie de pleurer, mais comme le reste, c'était inutile. Il fallait que je retienne coûte que coûte mes larmes. Mais pour ne pas trop montrer sa peine et garder quelque chose de neuf, il faut y mettre de la volonté. Et elle n'est pas petite.

VIGEOIS

Le lendemain a été le plus dur. La nuit avait été si belle et différente des autres . d'ailleurs aucunes ne se ressemblaient. C'est ce qu'il y avait de bien. Toujours du nouveau c'était bientôt l'heure, mais il aurait pu rester mais c'était presque inutile. D'ailleurs si ce n'était pas aujourd'hui, cela aurait été un autre jour. Donc puisque tout était préparé comme cela, il le fallait. Je me levais et préparais toutes mes affaires car je n'avais plus rien à faire au Pouget. Vivre avec des souvenirs sur les lieux même, c'est mortel. Avec Pablo, nous avons amené Jean Baptiste jusqu'à Limoges ou là, tout le monde s'est séparé. Bebert et Alain sont partis en moto, Jean-Baptiste en stop. Pablo et moi sur le chemin opposé. Plus le chemin était proche, plus la maison se rapprochait, plus l'envie de pleurait me montait aux yeux. C'était intenable. Il fallait faire quelque chose mais surtout ne pas montrer sa peine et pourtant j'avais mal , très mal. J'avais envie de faire demi-tour. Je voulais encore le serrer, dans mes bras, fort, fort, très fort. C'était dur, mais il fallait tenir. Après avoir regagné le Pouget pour ramener Pablo, mes yeux se troublaient. Je décidais donc de revenir bien vite dans ma chambre pour pleurer mon aise. J'aurais aimé le voir revenir mais c'était encore inutile. Ça ne servait vraiment à rien d'espérer une chose comme Ca.

REVERIES

Il y a des jours comme ça ou le moral est à zéro et où l'on se demande de quoi sera fait demain. Ce soir-là, alors que je venais de rentrer du boulot sans vraiment savoir pourquoi je rentrais tout de suite, alors que je n'avais rien de bien précis à faire, que le téléphone sonna. Après tout, c'était tellement rare qu'il se fasse entendre que je ne me décidais pas à répondre de suite.

Qu'elle ne fut pas ma surprise d'entendre cette voix que j'avais presque oubliée. Depuis tant d'années passées, je n'avais plus eu de nouvelles et je croyais bien que plus jamais nos chemins se croiseraient. Cette voix me ramenait en l'espace d'une seconde, dix ans en arrière. À cette époque, tout était folie, tout était permis dans cet amour impossible. C'était la première personne que je rencontrais quelqu'un qui d'un seul coup d'œil avait compris qui j'étais, ce que je désirais presque l'instant présent, mes peurs, mes envies. Je ne pensais pas à cette époque que quelqu'un pourrait si vite me tendre la main et m'aider si rapidement à me sortir de toute cette confusion de sentiments dans laquelle je m'étais laissé enfoncer sans m'en apercevoir.

En effet, à ce moment-là, mes parents étant divorcés, mon père remarié à une de mes professeurs de Français, venait de me donner une demi-sœur, je venais également de quitter mon travail, ma mère sombrait dans l'alcool et je ne savais plus où j'en étais vraiment. L'amour se faisait tout d'un coup ombre de ce qu'il avait représenté quelques années auparavant .

Jean-Baptiste était arrivé là, un soir et j'avais été envoûtée par le mystère qui l'entourait. En peu de temps, il avait su me remettre un peu les idées en place. Il avait représenté l'espoir.

Aujourd'hui, alors que ma vie était d'un banal que je haïssais, le soleil me rentrait par l'oreille. Cette voix me réchauffait le cœur, tout redevenait brillant de vie. Plus il me parlait, plus j'avais envie de le revoir, de le toucher pour être sûr que je ne rêvais pas. Mon cœur s'emballait et j'attendais que la phrase " Veux-tu que l'on se voie, que l'on se retrouve quelque part ." Arriva aux pavillons de mes oreilles.

Les aiguilles de la pendule tournaient tout d'un coup si vite que la peur de le voir raccrocher sans avoir fixé rendez-vous se faisait oppressante quand tout d'un coup, il la formula. Mon bonheur était au comble, je ne sais plus quoi dire. J'aurais voulu que dans la seconde qui suivait il sonne à ma porte. Mais voilà, il était à l'autre tour de Paris, chez son frère jumeau et lui fallait bien une heure pour venir me rejoindre à Joinville dans cette chambre que je louais à ma tante depuis quatre ans.

Étant trop impatiente, nous nous donnions donc rendez-vous dans une station de métro située à moitié chemin dans une demi-heure, c'était dit, nous allions enfin nous revoir. Le mieux serait une station où il n'y avait pas de correspondance, face aux premières, sur le quai de la station "pyramide".

Une fois le téléphone raccroché, je voyais vraiment de la beauté partout. Mes plantes me paraissaient me sourire, me parler, mon mur blanc était couleur arc-en-ciel. Je sentais mon cœur se gonfler de plaisir, se recourir d'une couche de bonheur si épaisse, qu'il faudrait des années pour l'enlever.

Après avoir vérifié que rien ne choquait dans ma tenue, que pas un épi n'était pas au garde à vous, je fermais ma porte et me précipitais vers le R.E.R.

Pour être sur de ne pas me mettre en retard, d'être à l'heure, je crois même que je me suis mise à courir, bien m'en pris car je prenais la correspondance tout de suite. Si je l'avais raté, j'aurais dû attendre environs dix minutes et peut être que Jean-Baptiste ne m'aurait pas attendu. Je ne pensais pas un seul instant, qu'après l'appel qu'il m'avait donné, il aurait pu attendre au moins une heure avant d'essayer d'arriver jusque chez moi.

Tout d'un coup, l'espace entre les stations me paraissait si long. Ce métro n'avançait pas. Si j'avais été seule, je pense que j'aurais fait les cents pas pour passer le temps. Je n'arrêtais pas de regarder ma montre.

Encore huit stations, sept, six, cinq.

Plus que quatre, trois, deux. Dès la sonnerie des portes, je me levais. Mon cœur battait très fort, ma gorge tout d'un coup était sèche, malgré le froid de la rame, j'avais des bouffées de chaleur, mes mains devenaient moites. Il fallait que cette station arrive vite, je n'en pouvais plus.

Quantité de questions arrivaient dans mon esprit, allais-je le reconnaître, n'avait-il pas trop changé, éprouvait-il toujours les mêmes sentiments en mon égard, serais-je encore à la hauteur de nos folies, ne serait-il pas déçu après tant d'années .

Ça y est, le métro freinait, les portes s'ouvraient, et je franchissais l'espace qui me séparait de la rame du quai.

Pas de tête blonde, mais une vielle dame avec ses cabas. J'avais donc de l'avance, je m'allumais une cigarette pour me calmer et je m'asseyais afin d'attendre. Les minutes tout d'un coup ressemblaient à des heures, les secondes à des minutes.

Comment le temps pouvait-il être si cruel, Rapide dans les moments de bonheur, lent dans l'attente de celui de celui-ci.

Un métro arrivait enfin sur l'autre quai, mais tant qu'il était en gare, je ne voyais que des gens de dos, et encore, les images, les silhouettes étaient anonymes. Pourquoi devait-on souffrir de la sorte. J'avais attendu dix ans, que pouvaient donc représenter dix minutes. Rien, mais je ne voulais plus en perdre.

Tous les bons moments redéfilaient les uns derrières les autres. Je n'étais plus à Paris, mais là-bas, chez moi en Corrèze. J'étais assise sans l'herbe, près de ce bois où Jean-Baptiste allait jouer du saxo. Je l'entendais jouer. Le son se rapprochait. Je savais qu'il arrivait. Je savais qu'il m'avait reconnu, que son cœur battait aussi vite que le mien. Je n'osais pas encore lever les yeux, maintenant qu'il était à côté de moi je faisais durer le moment de la rencontre de nos deux regards, j'avais peur d'échapper des larmes de plaisir. Tout mon corps tremblait.

Lorsque enfin, je me levais pour être à sa hauteur, j'ai cru que mon corps allait exploser. Sans un mot, il me prit dans ses bras et m'embrassa longuement et tendrement. Je chavirais vraiment dans un autre monde. Plus rien n'existait, sauf nous deux.

Alors qu'il y a une heure, nous n'arrêtions pas de parler, maintenant, nous rigolions, aucun mot ne voulait sortir de nos bouches, nous ne pouvions que rire, et nous serrer très fort.

J'avais chaud, soif, et lui aussi. Nous décidâmes donc de sortir hors de ce souterrain gris. En effet, cette station était loin d'être le lieu de rendez-vous idéal. Elle était vraiment très laide, mais qu'importe, nous nous étions enfin retrouvés. Où plutôt, il m'avait retrouvé.

En sortant, il pleuvait, mais qu'importe, nous ne sentions pas les gouttes qui dégoulinaient sur nous. Nous étions plus fort qu'elles. Nos cœurs étaient au beau temps, qu'importent les intempéries. Nous sommes donc rentrés dans le premier café rencontré, il n'y avait personne. Après avoir, passé la commande et après avoir bu un peu de breuvage nous avons continué à nous regarder, nous avions l'impression de ne nous être jamais quitté un seul instant.

Nous avons un peu parlé du passé, du temps passé entre nos deux rencontres mais nous en voulions plus. Nous voulions nous retrouver seuls, tous les deux. Pas de témoins. Nos yeux brillaient de désir, il ne fallait plus perdre un seul instant. Le plus rapide aurait été de prendre une chambre en ville, mais il était encore tôt et nous pouvions aller jusque chez moi. En sortant du café, nous nous sommes quand même promené comme ça, tous les deux, il me serrait très fort et je sentais le désir monter en moi. Je revivais les moments de notre rencontre à Vigeois, au Pouget, chez mon cousin Pablo.

Après des moments passés dans ce métro, nous sommes enfin arrivé à Joinville, la pluie avait cessé de tomber, la lune était pleine et recouvrait l'atmosphère de sa lumière blanche . La pluie avait donné à l'air une odeur agréable de terre humide . Arrivé devant chez moi, il fallait encore monter les trois étages qui menaient à mon nid . A l'allure où nous montions, jamais nous n'y arriverions . L'escalier se rendait complice de notre désir . Quand je mis ma clé dans la serrure, j'étais à bout . Tous ceux qui désirent profondément savent de quoi je parle . Il n'existe aucun mot pour décrire ce bien être, cette plénitude . Quand deux personnes s'aiment, quand leur corps se retrouvent l'un contre l'autre, sans superflu, il n'existe plus de frontière .

Je ne saurais dire combien de fois nos corps n'ont formés qu'un cette nuit là . Tout ce que je peux dire c'est que je n'ai pas fermé l'œil de ma nuit, je le dévorais littéralement des yeux . Il dormait et je le trouvais vraiment très beau . Malgré les dix ans passés, il n'avait pas changé .

Au petit matin, alors que je regardais dormir, il ouvrit un œil, me sourit et me pris dans ses bras . Comme c'était agréable, après tant de mois de solitude de voire le bonheur dans ma chambre . Combien de temps cela durerait-il . je n'en savais rien mais cela ne faisait rien, je devais profiter de ce moment présent, je ne devais pas laisser passer cette chance .

VIGEOIS

Il y a dix ans, lorsque les vacances avaient été finies pour Jean Baptiste, il devait retourner à Strasbourg pour je ne sais quelle affaire, j'avais eu du mal à le voir partir . J'avais donc décidé de l'accompagner avec ma voiture jusqu'à Limoges . Cela faisait donc environ 60 kilomètres à rester encore avec lui . J'étais triste mais j'essayais de ne pas lui montrer . Je voulais qu'il garde une bonne image de moi . De plus, il y avait toutes ses promesses de faites et je savais que nous nous reverrions . Quand ? Là était le mystère . Après avoir bu un dernier verre dans un café sur le bord de la route nous nous sommes dit au revoir . C'est avec des larmes aux yeux que je regardais sa silhouette se faire de plus en plus petite dans mon rétroviseur . Quand au bout d'un moment j'ai réfléchi que je n'avais plus rien à faire ici, du moins plus de travail, que j'avais tous mes papiers sur moi et que si je voulais, je pouvais le suivre, j'ai immédiatement fait demi tour pour lui proposer de le ramener jusque chez lui . La bas , dans cet autre département si loin du miens .

Mais voilà; la chance m'avait quitté car arrivé à l'endroit où je l'avais laissé, il n'y avait plus personne . dans mon chagrin, et en désespoir de cause, j'ai fait cent kilomètres de plus dans l'espoir de le retrouver , personne . Quelqu'un avait du le prendre pour un long parcours et ce devait être le destin qui nous jouait ce jour . Dorénavant je devrais attendre le bon vouloir du facteur tous les jours pour avoir des nouvelles . En attendant je vivais sur mes souvenirs d'un mois de bonheur .Des photos avaient étés prises, des enregistrements également . Tous les jours si je le voulais, je pouvais l'entendre jouer du saxo et en fermant les yeux je le verrais . Le temps malheureusement passera trop lentement entre son départ et nos retrouvailles futures . Mais quoi qu'il en soit je ne l'oublierais jamais . Il était de ces personnes dont émane un certain magnétisme . Ces personnes en qui l'on croit et qui ne ratent rien dans ce qu'ils entreprennent .

Après avoir pris notre déjeuné, pris une douche et comme il faisait bon , nous décidâmes de sortir faire un tour et surtout quelques courses car nous étions samedi et que le week-end d'annonçant long . Nous avions tellement de choses à nous dire, dix ans s'étaient écoulés et de l'eau avait coulé sous les ponts .

J'avais reçu une lettre de lui juste avant Noël . Il me disant que son retour c'était bien déroulé, et qu'en arrivant chez ses parents, il avait trouvé une lettre des armées l'appelant à venir effectuer ses obligations que les promesses faites seraient tenues mais seulement l'année suivante sa libération . Puis plus de nouvelles .J'étais partie avant la fin de cette année là en Normandie puis deux après j'avais atterri à Paris . J'avais revu mon cousin , le groupe et j'avais appris qu'il allait venir bientôt à Paris en revenant d'Italie où il avait été voir ses parents .Je me souviens que cette année là l'Italie avait subi un tremblement de terre.

REALITE

Puis un jour, alors que j'étais chez un de mes oncles, j'apprit que Jean Baptiste étais là, a Paris et qu'il devait bientôt repartir pour les Etats Unis pour quatre ans faire des études . Tout de suite je me rendais chez mon cousin Pablo qui avait loué avec le groupe un pavillon à Joinville et où j'étais sur de le trouver . Mais voilà, nous ne devions pas nous revoir ce jour là car à peine arrivé, j'apprenais que j'avais du le croiser dans le métro , que j'aurais du téléphoner avant . Il voulait me voir mais mon oncle lui avait dit que je fréquentais quelqu'un et qu'il ne pouvait pas me joindre .

J'étais folle de rage . De quel droit mon oncle avait il dit ce mensonge . pourquoi n'avait il pas voulu que je le revoie . par la suite il m'apprit que c'était pour mon bien car une autre séparation de quatre ans, avec peut être la possibilité que les sentiments seraient peut être effrités . Que c'était peut être la meilleur solution même si elle devait faire mal pour le moment .

Oh combien de nuits j'ai pleuré sur cette rencontre qui avait dérapée . combien allais-je pouvoir rester encore quatre ans sans nouvelles et surtout avec ce qu'avait raconter mon oncle ? Combien de chance j'avais de le revoir célibataire . N'allait il pas trouver ailleurs cet amour que je n'avais pu lui donner à Paris .

Personne en plus n'avait son adresse aux Etats Unis, je ne pouvais donc le prévenir . Je me devait d'attendre .

REVERIES

Pendant ses dix ans donc j'avais eu des aventures dans lesquelles je le recherchais chaque fois en vain .

Jamais personne n'étais venu s'installer chez moi . Je gardais mon nid pour son retour . J'avais misé mon avenir sur des promesses faites une nuit d'été en Corrèze . aujourd'hui je ne regrettais rien . Il était revenu , libre, revenu pour un moment si j'avais bien compris

Dés son retour, il était revenu en Italie voir ses parents avec qui il était resté six mois puis il étais revenu à Paris et depuis un an et demi il me recherchait . Il avait passer pendant deux mois une annonce dans un journal, pensant que je pouvais la lire, puis il avait demandé à mon cousin où je pouvais me trouver mais comme je ne suis pas très famille, personne ne savait où je travaillais ni ou j'habitais, sauf ma tante chez qui j'habitais et qui ayant appris que Jean Baptiste me cherchais lui avait donné mes coordonnées . Toute la journée, il avait essayé de me joindre jusqu'au moment où j'avais décidé de décrocher le téléphone .

Il me raconta que plus il faisait le numéro, plus son désir de me serrer dans ses bras grandissait . jamais journée ne lui avait paru si longue . De plus, il était dans le même doute que moi . Allais-je avoir le même désir que lui . L'aimerais-je encore .

Serions-nous toujours aussi fou qu'avant . Le temps n'avait-il pas détruit cet amour qui paraissait impossible . Nous devions profiter un maximum de ce week-end . Ensuite peut être ne nous séparerions plus du tout . Ce week-end allait décider de notre avenir . Nous étions encore jeune, tout juste trente ans et il ne fallait pas se tromper . Nos rêves et nos souvenirs ne faisaient en aucun cas notre avenir et notre devenir . De plus son travail allait l'amener à être en déplacement . Serais-je d'accord pour le suivre ou alors pour l'attendre . Dans l'immédiat, il restait pendant deux ans en poste puis ensuite il était question d'un contrat de deux ans dans un pays étranger .

A cette annonce, mon cœur se serra un peu . Allais-je encore le perdre alors que nous venions juste de nous retrouver . De toute manière, mon choix était fait, je ne le quitterais plus . Je ne laisserais pas ma vie s'échapper encore une fois . Je voulais vivre intensément ce bonheur là . Tant pis pour le reste . S'il le faut je quitterais mon boulot pour le suivre . Plus rien, sauf lui me retenais . Mon petit confort de tous les jours me paraissait encombrant seul cet amour comptait vraiment et puis il y avait 10ans à rattraper .

Après avoir fait quelques courses nous sommes revenus à la maison . Nous nous sommes à nouveau allongés car nous ressentions la fatigue de cette nuit de retrouvailles .

L'un contre l'autre, comme avant, c'était si bon . Nous devions apprendre à nous reconnaître . Pour l'instant, nous repensions tous les deux à la Corrèze, à ce jour, ou plutôt cette soirée ou nous étions restés tous les deux seuls dans la maison . Il y avait ce feu de fois dans cette cheminée, ce disque de jazz qui passait et nous deux, blotti l'un contre l'autre devant ce spectacle romantique .

REALITE ET FIN

Avais-je le droit de te faire revivre et par la même faire peut-être du mal à tous ceux qui t'ont aimés . Il y a déjà bien longtemps . Tu nous as quitté un jour, sans crier garde alors que tu débordais de vie . Ce qui t'a emporté peut arriver à n'importe qui . Ce que je ne peux accepter c'est que ce soit justement à toi que ce soit arrivé .

RUPTURE D'ANEVRISME .RUPTURE DE PROMESSES .

Double rupture, bien dure à accepter car le temps ne t'as pas laissé le temps de t'exprimer alors que tu avais tant à dire .

De toute manière, je ne crois pas en cette mort qui s'est faite si sournoise et je préfère te croire toujours présent parmi nous et penser qu'un jour, au détour d'une rue, je me trouverais face à ta jolie frimousse .

Les premiers temps de ma venue à Paris, combien de fois je me suis détournée de mon chemin car j'entendais le son d'un saxophone, mon cœur battait fort jusqu'à la déception de la vue d'un visage inconnu .

A l'heure actuelle, j'ai toujours le même pincement mais je sais que le détour ne doit pas être fait . Malheureusement les morts ne revivent plus sauf dans le souvenir et les hommages qui leur sont fait .

J'ose espérer que d'autres personnes pensent aussi fort à toi, le poète disparu . J'ose espérer retrouver un jour toutes les photos et cassettes faites pour les dupliquer et les adresser à tous ceux qui t'ont aimés .

Te faire revivre, comme ça de temps en temps me paraît une manière de blouser la mort, lui faire comprendre que si les gens ont disparus physiquement, ils restent malgré tout toujours vivant dans le cœur de chacun

Cosette

(cette histoire fût achevée lorsque j'appris le décès brutal de Jean Baptiste)